Aujourd’hui encore, 2,2 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à une eau potable et 4,2 milliards vivent sans accès à des toilettes. En matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, la France est également en retard, en métropole mais aussi et surtout dans les Outre-mer. Pourtant l’accès à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme droit humain en 2010 par les Nations Unies. 10 ans après les défis restent immenses.
Le Cercle Français de l’Eau réunissait le 15 janvier un panel pour évoquer l’eau et la précarité. C’était le troisième et dernier débat d’une série en lien avec les prochaines élections municipales. Ce débat a permis d’éclairer la toute nouvelle loi engagement et proximité qui a eu le mérite d’inscrire dans la loi le nécessaire investissement des collectivités pour une approche résolument sociale de l’accès à l’eau et à l’assainissement.
« Cette loi est minimaliste mais elle pose un cran supplémentaire pour l’émergence du droit à l’eau pour tous en France. Un petit cran mais un cran quand même.
Pour autant, il reste beaucoup de travail pour atteindre l’objectif des associations qui militent pour une mise en œuvre effective du droit à l’eau en France.
Le premier travail sera de sensibiliser les collectivités pour qu’elles se saisissent de cette nouvelle loi. Cette dernière ne fixe malheureusement pas d’obligations, il faudra donc que les collectivités inscrivent d’elles même cet objectif indispensable pour les plus précaires.
Il nous faudra travailler en priorité vers les collectivités qui ont un prix de l’eau élevé fragilisant d’autant plus leurs populations les plus pauvres. Un sujet électoral s’il en est.
La loi permet aussi d’imaginer une nouvelle approche pour l’eau et l’assainissement en France qui soit résolument sociale et tournée vers le partage. Nous avons en effet l’obligation d’aider non pas seulement les familles précaires bénéficiant d’un accès à l’eau et à l’assainissement mais surtout d’aider celles et ceux d’entre nous qui sont trop pauvres pour apparaître dans les radars statistiques et qui ne sont pas connecté aux réseaux.
Remettre l’eau au cœur de la cité, déployer des fontaines, des toilettes, des douches, c’est l’objectif que nous devons collectivement avoir pour redynamiser le partage de l’eau sur tous nos territoires.
On estime aujourd’hui à 300 000 les personnes non connectées au service public de l’eau. Si nous réussissons à atteindre ensemble ces 300 000 enfants, femmes et hommes alors nous aurons fait un vrai pas vers le droit à l’eau pour tous en France.
Le combat sur les coupures d’eau a prouvé par l’exemple qu’une approche résolument sociale d’interdictions des coupures ne fragilisait pas réellement le service public de l’eau alors que la quasi-totalité des acteurs nous garantissait qu’il était structurellement impossible de s’en passer sous peine de tuer le modèle économique des dits services.
Appuyons nous sur cette transformation pour relever ce nouveau défi : Comme l’évoquait très justement Yannick Nadesan, Président de la Société Publique Locale de l’eau à Rennes, aider les quelques centaines de personnes qui sont sans eau et sans toilettes dans nos villes est une obligation. Il s’agit d’un droit fondamental, il n’y a donc aucune discussion possible.
Pourtant à Bordeaux, nous savons que les décisions sont difficiles à prendre et que malgré les discussions la métropole rechigne à apporter toute l’aide nécessaire aux plus de 2000 personnes qui vivent dans des squats ou des bidons villes aux détours des ponts et des quartiers. L’association Dynam’eau fait pourtant tout pour mettre en lumière l’aide nécessaire pour faire respecter ce droit fondamental.
Si comme à Rennes, chaque collectivité part du principe qu’un droit fondamental ne se discute pas alors nous pourrons très facilement mettre en œuvre les moyens nécessaires avec l’appui des opérateurs de l’eau et de l’assainissement pour que chaque enfant, chaque femme et chaque homme puisse vivre dignement dans notre pays.
Nous en sommes réduits à espérer l’engagement des collectivités et nous les encourageons à le faire rapidement. Pour autant, le gouvernement français sortirait grandi d’une politique d’accueil résolument engagée permettant au pays des droits de l’Homme de respecter le droit fondamental d’accès à l’eau et à l’assainissement. Le défenseur des droits a été obligé de le rappeler avec colère aux députés de l’actuelle majorité il y a quelques mois, je ne l’ai pas oublié mais malheureusement rien n’a changé.
C’est d’autant plus important que la France et l’ensemble de ses ministères ont validé en septembre une feuille de route pour la mise en œuvre des Objectifs du Développement Durable en France. Cette dimension d’accès universel à l’eau et à l’assainissement y figure bien entendu. Espérons que nos Ministres s’en saisiront pour changer la donne et faire en sorte que cet objectif soit atteint en France d’ici 2030.
Cela en vaut la peine car tous les enfants, les femmes et les hommes de cette planète devraient pouvoir vivre dignement. Nous sommes très loin du compte mais il ne tient qu’à nous d’être exemplaire en France et d’aider à l’international pour que cet objectif d’évidence d’un droit effectif pour l’eau et l’assainissement pour tous soit enfin atteint.
Quand on parle de solidarité pour l’eau, on ne peut pas oublier la mise en œuvre du 1% solidarité eau et assainissement. Ce dispositif permet aux collectivités de financer directement ou indirectement de nombreux projets d’accès à l’eau et à l’assainissement dans les pays en voie de développement. Si de nombreuses villes sont déjà engagées comme Grand Poitiers avec qui Initiative Développement travaille depuis de longues années à Moundou au Tchad, cela reste l’exception.
Si nous appliquions la loi Oudin du 1% dans toutes nos collectivités, nous pourrions multiplier l’aide actuelle de 30 millions d’euros par an par 10 et atteindre 300 millions d’euros par an. L’élection municipale 2020 doit être l’occasion de rappeler cette possibilité avec force pour démultiplier l’action des territoires pour la solidarité internationale pour l’eau et l’assainissement.
La campagne « l’eau est un droit » a cette ambition et j’invite toutes celles et ceux qui le souhaitent à la faire connaitre aux futurs candidates et candidats de l’élection qui approche. La Coalition Eau est là pour vous y aider. »