A l’instar des provinces de la zone méridionale du Tchad, la province du Mandoul est une zone  de prédilection des activités agro-pastorales, et dans une moindre mesure de la pêche.  L’économie locale repose principalement sur les produits issus de l’agriculture (pluviale et  maraîchère), de l’élevage et de la pêche. Ces principales activités économiques développées  dans cette province sont tributaires de l’eau. Que ce soit pour le besoin de consommation ou  d’exploitations agro-pastorales, l’accès à l’eau constitue un défi majeur pour la population dans  cette province avec un taux d’accès de 51,09% (Ministère de l’Eau et de l’Assainissement – 2020). Ce taux de couverture en eau potable est encore très faible en milieu rural,  particulièrement dans les localités couvertes par le programme Man Madjibé. 

Aujourd’hui, avec les effets du changement climatique et les pressions anthropiques, l’on assiste de plus en plus à une raréfaction des ressources en eau dans les différentes localités de la province, avec des répercussions importantes sur les activités socio-économiques. Outre la raréfaction des ressources en eau, ces localités sont confrontées à la forte croissance démographique et l’augmentation du cheptel. La conjugaison de tous ces facteurs entraine une forte augmentation de la demande en eau, et exacerbe les inégalités autour des ressources en eau, et les conflits liés à son accès, son contrôle et son exploitation. Une compétition s’installe autour des ressources en eau entre les différents  acteurs (agriculteurs, éleveurs et les usages domestiques) communautaires avec pour  conséquence des conflits parfois ouverts. 

Dans ce contexte local où l’eau devient de plus en plus rare et menacée par des facteurs  (anthropiques et climatiques), elle doit désormais être gérée de manière durable et équitable  pour que les différents acteurs de son utilisation y aient accès. La promotion d’une gestion  durable et équitable des ressources en eau appelle à une action concertée entre les différents  acteurs de l’usage et de la gouvernance de cette ressource dans la localité. C’est dans ce  contexte qu’intervient Initiative Développement (ID), dans la province du Mandoul, à travers le  programme Man Madjibé. Mis en œuvre en juillet 2022, ce programme couvre 4 localités, à  savoir : Dokassi, Ngabolo, Matekaga et Makaga. 

A travers ce programme, ID entreprend aller progressivement vers la mise en place de la GIRE  (gestion intégrée des ressources en eau) dans les différentes localités qu’elle couvre. Etant une  approche aussi nouvelle qu’exigeante, la mise en œuvre de la GIRE dans ces localités nécessite la compréhension et la prise en compte de certains facteurs (socio-anthropologiques, culturels,  hydrogéologiques, législatifs, etc.) déterminants dans la gouvernance des ressources en eau, aussi bien au niveau local que national. C’est dans le souci de réunir les conditions nécessaires à  l’expérimentation de la GIRE dans ces quatre localités que ID a recruté deux consultants (un  hydrogéologue et un socio-anthropologue) pour mener une étude hydrogéologique et socio anthropologique dans les localités d’intervention du programme Man Madjibé. Depuis mai 2023,  ces consultants travaillent sur le terrain avec les différentes sensibilités communautaires, les  acteurs étatiques en charge de la gouvernance des ressources en eau, l’équipe terrain de ID. 

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Bien que la GIRE ne soit pas encore une réalité dans ces localités et que ID cherche encore les voies et moyens pour aller vers sa mise en place, sur le terrain, à travers les activités du programme Man Madjibé, on assiste à la mise en place progressive des préalables (conditions) nécessaires à son expérimentation. A travers la mise sur pied du Cadre de Concertation dans les différentes localités d’intervention du programme Man Madjibé, les grandes décisions d’intérêt commun, concernant l’eau par exemple (prix, désignation des membres des différents organes de gestion des points d’eau, etc.) sont prises en commun accord dans le cadre des assises communautaires. Les résolutions issues de ces concertations sont souvent communiquées au point qu’une bonne partie de la population locale comprenne les enjeux d’une gestion rationnelle et équitable des ressources en eau (bien commun) dans la communauté. Aussi, le renforcement des capacités des acteurs locaux de la gouvernance de l’eau, des organes d’hygiène et assainissement contribue à garantir une gestion durable  

des infrastructures d’eau installées dans ces différentes localités, la promotion de l’hygiène et  l’assainissement autour des points d’eau et leur utilisation. Dans ces différents organes de gestion des points d’eau mis en place ou appuyés par le programme, on note la représentativité des femmes et des jeunes. Cela illustre à merveille que l’action porte une attention particulière  sur les besoins sexo-spécifiques de certains acteurs sociaux vulnérables. La prise en compte de  la sensibilité Genre dans la mise en place des instances de gestion de l’eau dans ces localités, l’adéquation de l’action sont en droite ligne avec les principes/exigences de l’approche GIRE. 

Si, sur le terrain, l’action du programme Man Madjibé créé des conditions favorables pour la mise  en œuvre de la GIRE et qu’aujourd’hui la population locale « adopte une forme embryonnaire de  certaines pratiques de la GIRE », au niveau régional et national nous sommes loin de parler de la  mise en œuvre de la GIRE dans le contexte du Tchad. Jusqu’à présent, il n’y a pas une réforme  visant à créer un environnement politique et institutionnel favorable pour la mise en œuvre de la  GIRE au Tchad. L’approche sectorielle qui gouverne les ressources environnementales,  foncières et hydriques au Tchad ne favorise guère la mise en œuvre de la GIRE. Alors qu’il est  demandé aux Etats, dans le cadre des principes émanant des assises de la Conférence  Internationale sur l’Eau et l’Environnement (Dublin, 1992) de promouvoir la GIRE comme mode  de gouvernance des ressources en eau en vue d’assurer une gestion holistique, rationnelle et  équitable des ressources en eau (ressource indispensable et rare) et de prévenir les conflits liés  à l’eau.  

Ce chantier entrepris par ID permettra d’influencer, sans nul doute, la gouvernance de l’eau au  niveau local, provincial et national au Tchad où les conflits liés à l’accès, le contrôle et  l’exploitation des ressources, notamment l’eau, sont récurrents. Il reste un exemple dont les  résultats positifs sont déjà visibles et pourront édifier d’autres acteurs (organisations) intervenant  dans la gouvernance des ressources en eau au Tchad. Ces résultats positifs pourront constituer un élément solide pour ID afin de plaider auprès du Gouvernement tchadien pour des réformes fortes en matière de gouvernance nationale des ressources en eau. 

  

Le cadre de concertation réuni toutes les différentes sensibilités sociales (les associations d’usagers de l’eau potable, les usagers  de l’eau, le comité de surveillance de l’eau, le comité directeur de l’eau, les représentants des organisations des femmes, des jeunes  et des producteurs, les chefs de village, les chefs coutumiers, les leaders religieux et traditionnels, les groupes et réseaux d’acteurs).