Haïti reste jusqu’à présent dans une situation très instable au niveau politique, institutionnel et socio-économique. Le pays a traversé 2 mois de blocage total, et ne connait qu’une relative accalmie depuis novembre. Nul ne sait comment commencera l’année 2020, entre un président qui s’accroche au pouvoir malgré les scandales des derniers mois, et une grande majorité de la population qui réclame un changement de régime. Les Haïtiens sont extrêmement affectés par cette crise et la précarité qu’elle entraine, mais n’ont pourtant pas d’autre choix que de continuer à se débrouiller et s’adapter.
En dépit de ces difficultés extrêmes, les acteurs locaux avec qui nous travaillons dans le Nord-Ouest restent motivés par les dynamiques de développement en cours. Même au plus profond de la crise, ils ont continué à préparer des dossiers d’investissement de manière concertée sur leur territoire, avec l’accompagnement d’ID. Ce sont ces 14 projets qui viennent d’être signés avec eux pour un montant total de 72 700 euros, avec le financement de l’AFD. Plus que jamais, le développement du territoire semble être dans les mains des acteurs locaux !
Du 30 novembre au 21 décembre 2019, 14 conventions de financement sont en cours de signature entre 3 Mairies du Nord-Ouest (les communes de Saint-Louis du Nord, d’Anse-à-Foleur et de l’Ile de la Tortue), leurs 11 Conseils d’administration de sections communales (CASEC), et l’ONG Initiative Développement (ID). Grâce au financement de l’Agence Française de Développement (AFD), ces collectivités territoriales lancent ainsi 14 projets d’investissement et de développement local sur leur territoire, pour un montant total de 7 800 000 Gourdes (72 700 euros).
C’est l’aboutissement d’une longue démarche de développement participatif, dans ces 3 communes qui comptent une population d’environ 200 000 habitants. Selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique, il s’agit d’une des zones les plus densément peuplées du pays, dans un département pourtant peu connu car très inaccessible en l’absence de routes.
La dynamique s’est lancée fin 2011 par des démarches d’élaboration de Plan Communal de Développement (PCD). Sous le leadership des Mairies et des Conseils de Développement Communal (CDC), de 2012 à 2014, ces travaux de concertation ont rassemblé l’ensemble des populations de ces 3 communes, en collaboration avec le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) et dans le respect de son guide méthodologique.
Dans un premier temps, la mise en œuvre concertée de ces PCD n’a pas été aisée, en particulier durant la période où les agents intérimaires exécutifs ont remplacé les maires (de 2012 à 2016). Durant cette période, une douzaine de projets productifs ont tout de même été menés par des organisations de la société civile avec l’accompagnement d’ID, dans le cadre des priorités des PCD.
Mais depuis 2016-2017, les dynamiques communales ont pu reprendre leur cours suite aux élections municipales et locales. Dans les 10 communes du Nord-Ouest, plusieurs avancées ont été réalisées au niveau de la gouvernance locale et du renforcement des administrations communales, grâce à l’implication et le partenariat étroit entre la Direction des Collectivités Territoriales (DCT / MICT), les organisations ID et ADEMA (Ansanm pou yon demen miyò an Ayiti) – et avec les appuis financiers combinés de l’Union Européenne (jusque avril 2019) et de l’AFD.
C’est dans cette suite que s’inscrivent les 14 projets d’intérêt public en cours, sous maitrise d’ouvrage communale et locale. Etape après étape, les Mairies et CASECS ont suivi avec ID des formations sur la maitrise d’ouvrage ; se sont concertés avec les services de l’Etat et la population ; ont procédé à l’identification et la faisabilité des projets de manière concertée, jusqu’à leur validation par les organisations et représentants de chaque section communale ; le tout dans une logique de communication et de redevabilité. Concrètement, ces 14 chantiers concernent notamment la construction de guérites pour les marchés communaux ; des travaux de canalisations ; 5 passerelles enjambant des passages difficiles, et 4 bureaux de CASECS.
Au final, c’est surtout une grande fierté pour ces acteurs locaux de pouvoir mener eux-mêmes leurs projets selon des principes de bonne gestion. Ils en retiennent de nombreuses leçons, notamment sur la participation et la concertation, les liens de collaboration à tous niveaux, et l’exigence de redevabilité. Au niveau du programme, d’autres leçons ressortent également des rapports d’évaluation, concernant notamment l’indispensable adaptation au contexte local, l’importance des accords de partenariat à tous niveaux et sur le long terme, l’utilité de ces programmes de gouvernance locale en même temps que leurs limites de temps et de praticabilité (systèmes de cofinancements), et la nécessité de faire progresser ces approches à l’échelle du département (ou même au-delà). Avec pour finir, une certitude : l’importance primordiale de la décentralisation pour le développement des territoires !