Entretiens réalisés avec Edith MEMLEMEM, Brigitte NENADJI et Odette MILAMEM, premières femmes formées en Janvier 2019

Quel rôle avez-vous eu dans cette expérimentation ?

Au début de l’expérimentation, l’équipe FCE nous a proposé de ramasser et stocker les pailles de riz et tiges de sésame disponibles à la fin des récoltes. C’était quelque chose de nouveau pour nous qui sommes habituées à les brûler directement aux champs. Les femmes d’une dizaine de groupements de l’Union ont participé à ce stockage. Ensuite, nous 4, qui avons été choisies par le Bureau de l’Union pour être formées en premier aux techniques de production de biocombustibles avons trié toutes les matières premières pour en enlever les résidus. Mais c’est après la phase de stockage que notre rôle a véritablement commencé.

Nous étions au centre même de l’expérimentation en participant à toutes les étapes de production, de la carbonisation au séchage des buchettes de charbon. Le formateur nous a montré les étapes au cours d’une première formation et nous avons ensuite beaucoup travaillé pour améliorer le procédé de production, en fonction des résultats que nous obtenions. Au fur et à mesure que nous maîtrisions les différentes phases de production, et en complément de l’appui de l’équipe FCE, nous avons de nous-mêmes proposé quelques astuces pour améliorer le rendement et gagner du temps. On a aussi travaillé avec de nouveaux déchets, comme la coque d’arachide, ce qui nous arrange car nous la cultivons beaucoup dans notre canton.

Est-ce un rôle habituel  ?

Pour nous, ce n’est pas un rôle habituel dans un projet parce que dans cette expérimentation, nous n’avons pas seulement suivi une formation, nous nous sommes appropriées les techniques et nous sommes ensuite devenues des formatrices. Une fois que nous maîtrisions toutes les étapes de production, nous avons formé d’autres femmes de 5 groupements qui composent notre Union en leur confiant de plus en plus de tâches, en les suivant et en les orientant. Nous avons ensuite organisé avec elles un atelier cuisine pour leur faire découvrir les avantages du biocombustible par rapport au charbon traditionnel utilisé quotidiennement. Tout le monde était agréablement surpris du résultat car les buchettes que nous produisons permettent de cuisiner très rapidement, et en utilisant beaucoup moins de charbon. Elles ne présentent pas de risque de brûlure ou d’incendie.

L’Union équipée d’une presse manuelle pour améliorer le rendement de production

Qu’est- ce qui vous a marqué dans cette expérience ?

C’est une expérimentation enrichissante à plusieurs niveaux. Jusqu’à aujourd’hui, on considérait les déchets issus des récoltes comme bons à jeter. Dans nos villages, quand le stockage des matières premières a commencé, cela a beaucoup fait rire, car personne ne s’imaginait que nous pouvions produire du charbon avec autre chose que du bois. Et lors de l’atelier cuisine, tout le monde était émerveillé devant le résultat

Avant on coupait des arbres pour fabriquer du charbon, mais depuis le lancement de l’expérimentation, quand on voit la rapidité avec laquelle on produit, l’utilité du charbon bio et ses avantages par rapport au charbon de bois, on a décidé d’arrêter la production de charbon traditionnel, qui non seulement est pénible à fabriquer mais contribue à la déforestation et demande deux semaines de travail, avec des résultats qui ne sont pas toujours au rendez-vous. En plus, nous nous exposons et risquons d’être sanctionnées par les autorités puisque la production de charbon est interdite au Tchad.

Avec cette expérimentation, nous sommes très fières de notre association et de pouvoir fabriquer notre propre charbon, et le fait de ne plus couper d’arbres pour le faire nous rend encore plus fières !

Nous avons aussi été marquées par la motivation et le dynamisme avec lesquels les premières femmes formées ont mené l’expérimentation et formé d’autres femmes.  Grâce à elles, tout le monde comprend petit à petit l’importance du charbon bio pour nos ménages en zone rurale.


ZOOM sur le projet FCE

Le Programme Filière Cuiseurs Economes (PFCE) d’Initiative Développement (ID) est un programme multi pays mis en œuvre au Congo, au Tchad, aux Comores et au Sénégal. Un de ses objectifs est de réduire la pression anthropique sur la consommation de bois grâce à la production et la vente locales d’équipements de cuisson économes en combustibles (bois et/ou charbon).

Suite aux mesures gouvernementales prises dans le cadre de la lutte contre la déforestation au Tchad, l’idée d’expérimenter la production de charbon biologique est apparue comme complémentaire des activités déjà initiées par le programme pour réduire la dépendance des ménages au bois-énergie, utilisé quotidiennement par plus de 90% des ménages tchadiens, avec pour conséquence la coupe abusive des arbres. Ainsi, le but de cette expérimentation est double : lutter contre la déforestation, un objectif au cœur du projet FCE, et proposer aux femmes des zones rurales une source d’énergie domestique alternative, ce à moindre coût. Après une première formation pratique des femmes de l’Union, axée sur une méthode de production artisanale, différentes biomasses issues des principales cultures de la région (riz, sésame, arachide) ont été testées. Les premiers résultats obtenus étant concluants, l’expérimentation s’est alors poursuivie avec la conception d’équipements (carbonisateur, presse manuelle) permettant d’améliorer le rendement et la qualité du charbon produit tout en réduisant la pénibilité du procédé de production.